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dimanche, 19 janvier 2014

Le luxe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Frédéric Tison, Les Effigies, un carnet de photographies (2009-2013),
auto-édition Blurb, 2013. 160 pages, 76 photographies (couleur et noir & blanc) 

Édition en grand format

 

 

 

 

Regard de 1606

 

 

 

 

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Jean van Ravesteyn (1572-1657), L'Homme à la collerette (1606),
collection du château de Chenonceau, photographie : novembre 2013.

 

 

 

 

De l'inventaire

 

 

 

 

Dans les petits exercices auxquels je me livre dans mon carnet, reproduits ici, et qui consistent à décrypter tant bien que mal l’inventaire de la bibliothèque de Charles d’Orléans au château de Blois, en 1427, il m’apparaît que décider du choix des informations contenues dans mes petites notices est une tâche plus difficile que dénicher les sources elles-mêmes des livres de cet inventaire.

 

 

Mon Lecteur, en effet, n’est pas un enfant dont je serais le professeur, ni une personne inculte dont l’esprit caligineux attendrait mes lumières… Me voilà néanmoins qui précise ingénument que les Métamorphoses d’Ovide sont, en Occident,  un livre aussi essentiel que la Bible et Homère, et que Jean Froissart est né vers 1337 et qu’il est mort vers 1404, et me voilà encore expliquant ce qu’est la Légende dorée… Mais à qui donc suis-je censé m’adresser ? Et, dès lors, quelles précisions donner, lesquelles éluder, quelle complicité supposer entre mon Lecteur et moi, quelles réminiscences, quelles coïncidences livresques, quelles affections et connaissances communes ? Aussi bien tous les éléments que j’indique me seraient-ils, d’abord, des aide-mémoire — c’est en les écrivant dans les pages virtuelles de ce carnet que je les retiendrais. (Or je vérifie ce point chaque jour : consigner par écrit quelque chose me permet presque immanquablement de me le remémorer.)

 

 

La question de savoir ce que je préciserais dans mes notes apparaît alors sous un autre jour : j’en dirais trop, ou pas assez ; trop, si mon Lecteur sait déjà qui est Froissart, et je pourrais rayer la mention « (vers 1337-vers 1404) » ; pas assez, si je considère que mon entreprise est celle d’un "dépôt", d’une "consigne", d’une tentative de mémoire écrite, moins fragile qu’une autre, et, parfois, la condition de celle-ci.

 

 

La première solution aboutirait à des notes plus sèches et plus elliptiques que des articles de dictionnaires ; la seconde, à des recherches infinies — à des sentiers, des carrefours, des tropismes rêveurs, à l’inépuisable… (Mais mon Lecteur, qu’il se rassure... (s'il s'inquiétait), me verra, dans la suite de l’inventaire des livres de Charles d’Orléans, conserver la même présentation. Je ne fais là qu'interroger des chemins.)

 *

 

Si j’évoque, comme à propos du livre 2. de l’inventaire de Blois, les Métamorphoses, ne devrais-je pas, outre donner sa date de composition (on pense que le poète commença à les écrire en l’an 1 après Jésus-Christ— ce que j’ai toujours trouvé extraordinairement évocateur ou symbolique — pour les achever vers l’an 10) et les dates de naissance et de mort de son auteur, décrire le contexte dans lequel elles naquirent ? Ne devrais-je pas raconter en détail la vie d’Ovide ? Ne m’emploierais-je pas à recenser les diverses traductions de ses hexamètres dactyliques, « moralisées » ou pas ? J’analyserais d’abord la métrique latine, je commenterais les métaphores. Je dresserais le sommaire de l’ouvrage. Et, pour être assez complet, j’en donnerais, à la suite de ma présentation, le résumé de toutes les légendes, et je citerais tous les personnages qui apparaissent dans ce livre, et toutes les variantes de leurs aventures, selon Pausanias ou Apollodore, et d'autres, dont les livres sont perdus, et je pourrais tout inventer, tout imaginer encore. Ensuite, il me faudrait proposer du poème le texte original, puis le texte intégral de toutes ses traductions anciennes et modernes. Je ne manquerais pas d’établir une table des concordances, deux ou trois index thématiques, un glossaire, une bibliographie détaillée, un sommaire enfin.

 

 

Mais cela ne suffirait certes pas. Il me faudrait noter les sources livresques des Métamorphoses, Hésiode, Homère, les fragments des Parthénées d'Alcman, et les Hymnes orphiques… Je parlerais encore d'Aulu-Gelle et de ce qu'il trouva, comme il le narre dans ses Nuits attiques, sur les quais d'un port en compagnie d'un ami, un peu plus tard... Mais je remarquerais aussi que le Livre I. des Métamorphoses ressemble, pour une part, et curieusement, au commencement de la Genèse, et il me faudrait parler de ce livre-là, examiner les correspondances, et le Déluge et l’Arche… M’appartiendrait alors de citer tout le premier livre du Pentateuque, en hébreu puis en grec, en copte pourquoi pas, en latin, et toutes ses traductions françaises, de celle de Jean Le Bon, au XIIIe siècle, à la Bible de Charles V par Raoul de Presles (1377), de celle de Jean de Rély (1487) à la Traduction œcuménique, aujourd'hui, à la Bible de Jérusalem, à celle du chanoine Crampon, à celle d’André Chouraqui…  J’indiquerais, en des notes de bas de page, tout l’embrouillamini des variantes, des couches de rédaction, des interpolations. Et je pourrais alors me demander, au terme de la présentation des commentaires (et des commentaires de commentaires, cela va de soi) de la Genèse par les Pères de l’Église d'Occident et d'Orient, quand Yahvé a créé les anges, si c’est avant le Premier Jour ou bien au même moment que les oiseaux… Ces bribes d’angélologie savante m’entraîneraient sur les chemins des pseudépigraphes, des manuscrits de Qumrân, des traités extravagants, des Apocalypses bizarres, des apocryphes fragmentaires, des livres perdus, ceux que citent les auteurs des livres hébraïques "canoniques" ; puis j’évoquerais les hérésiarques, et Marcion, pour commencer. (Une note de bas de page rêverait alors de la gnose au nom équivoque, pour évoquer ensuite, avec l'esprit de l'escalier (un escalier d'Escher, et dès lors j'évoquerais les "objets impossibles" du grand artiste), Origène, Irénée de Lyon, et, plus tard, en empruntant un autre escalier, les mystiques rhénans, Nicolas de Cues, Maître Eckhart, Henri Suso, Jean Tauler, etc. (une note de cette note (mais elle deviendrait un livre) rappellerait la lecture d'Érasme (mais, pour bien entendre l'érudit magnifique, quelques rappels à Luther seraient nécessaires (à Melanchthon, à Calvin)).)

 

(J'ajouterais des parenthèses, des italiques, des astérisques, des "(sic)" et de vraies étoiles mortes, comme dans la Voie lactée.)

 

 

Pour éclairer encore mon propos, me reviendrait de présenter, à travers des photographies que j’aurais prises (il est si facile, pour les auteurs de beaux-livres, de faire appel aux photographes assermentés par les musées !), une merveilleuse sélection de tableaux peints d’après Ovide, par Poussin, par Le Brun, par Coypel, par Rubens encore, par d’innombrables peintres, dessinateurs, sculpteurs, qui firent voir les épisodes de l’un des plus riches ouvrages qui fussent.  

 

 

Alors je parlerais également, par exemple, des Six Métamorphoses d’après Ovide, pour hautbois, qu’en 1951 composa Benjamin Britten, et qui célèbrent Pan, Phaéton, Niobé, Bacchus, Narcisse et Aréthuse. (Et je dirais pourquoi tout le livre d'Ovide parle de l'oiseau.)

 

 

Ainsi je me ferais historien, exégète, philologue, épigraphiste, mythographe, théologien, iconographe et musicologue. Il me faudrait encore tracer des cartes, car je n’aurais pas encore parlé des territoires, des villes, des paysages ; mes complexes atlas seraient géographiques et historiques… Il me faudrait tant et tant de pages et de croquis et d’annexes et d’appendices que, certainement, le monde entier ne suffirait pas pour les contenir.

 

 

 

 

 

 

Benjamin Britten (1913-1976),
Six Métamorphoses d'après Ovide (1951),
"Pan", "Phaéton".

Nancy Ambrose King, hautbois.

 

 

 

 

samedi, 18 janvier 2014

En toute simplicité (et en symétrie)

 

  

 

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Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Louis XIV, cadre en bois doré de Pierre Lepautre (1659-1744),
collection du château de Chenonceau, salon Louis XIV, photographie : novembre 2013.

 

 

 

 

« Veloux noir »

 

 

 

Depuis que je me suis replongé dans l'inventaire de la bibliothèque de Charles d'Orléans, à Blois, en 1427, j'ai envie de recouvrir tous mes livres de velours noir.

 

 

 

10:48 Écrit par Frédéric Tison dans Autour du livre, Minuscules | Tags : frédéric tison, minuscule | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

vendredi, 17 janvier 2014

Signé Diane de Poytiers

 

 

 

 

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Signature de Diane de Poitiers,
dans un document recueilli dans les archives du château de Chenonceau,
photographie : novembre 2013.

 

 

(Voir également ici.)

 

 

 

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (6)

 

 

Introduction.

 

 

 

 « 13. Les Epistres Pierre de Poictiers, en latin, à lettre de forme, neufve, sans histoires, couvert de veloux noir, non complètes, à deux fermoers de cuivre. »

 

Il est difficile de décider si l’auteur est le chanoine et théologien Pierre de Poitiers (vers 1130-1215) ou bien le chancelier de l’École cathédrale de Paris et théologien Pierre de Poitiers (?- mort vers 1205), qui succéda à Pierre Comestor ou Pierre-le-Mangeur (cf. le livre 4. de cet inventaire) comme prévôt des écoles, lesquels, tous deux, laissèrent des Lettres.

 

 

 

« 14. Les questions Hebriex de saint Jheroysme, escriptes en latin, lettre de forme bastarde, couvert de veloux noir, à deux mauvès [mauvais] fermoers d’arain, sans histoires. »

 

Il s’agit d’un ouvrage de saint Jérôme (Jérôme de Stridon, vers 347-420) sur des livres de l’Ancien Testament : son titre "original" est Quaestiones seu Traditiones hebraicae in libros Regum et Paralipomenon.

 

 

 

« 15. Le livre de Meliador, en françois, historié, lettre de forme, couvert de veloux vert, à deux fermoers semblans d’argent dorés, esmailliés de Monseigneur. »

 

C’est le roman en vers Méliador (1365-1388) de Jean Froissart, dont l’action se déroule en Écosse, en Angleterre et en Irlande : il narre les aventures de preux chevaliers arthuriens, et notamment la geste de Méliador, lequel est amené à conquérir, au terme de moult épreuves, la main d’Hermondine, la fille du roi d’Écosse. Ce roman est l'un des derniers avatars de la littérature selon le rêve de la geste du roi Arthur... (Je dois dire que je l'ai rapidement parcouru : nous sommes là bien loin, hélas, des enchantements du Haut Livre du Graal. Cela dit, la grandeur de Froissart n'en est pas amoindrie.)

 

 

 

(à suivre.)

 

 

 

jeudi, 16 janvier 2014

Du côté des autres jardins

(Je ne m'en lasse pas...) 

 

 

 

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Le château de Chenonceau (XVIe s.), vu des jardins de Catherine de Médicis,
photographie : novembre 2013.

 

 

 

 

mercredi, 15 janvier 2014

Élucidation

 

 

 

 

L'époque tente de dérober notre spiritualité.

 

 

 

 

 

23:05 Écrit par Frédéric Tison dans Minuscules | Tags : frédéric tison, minuscule | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

De la splendeur

 

à François.

 

 

 

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Le château de Chenonceau (XVIe s.), vu des jardins de Catherine de Médicis,
photographie : novembre 2013.

 

 

 

La Belle de Henri II (ou Splendeur du Primatice)

 

 

 

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Le Primatice (Francesco Primaticcio, 1504-1570), Diane de Poitiers
(sans date, mais Diane de Poitiers n'a pas d'âge...),

collection du château de Chenonceau, photographie : novembre 2013.

 

 

 

 

mardi, 14 janvier 2014

Vestige de 1440

 

 

 

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La tour des Marques (vers 1440),
seul vestige de l'ancien château de la famille des Marques rasé en 1515,
château de Chenonceau,
photographie : novembre 2013.

 

 

 

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (5)

 

 

 

Introduction.

 

 

   

 « 11. La Bataille et destrucion de Troie, en françois, en lettre de forme ancienne, historiée, couvert de veloux noir, à deux fermoers d’argent blanc, par semblance [d’après ce que l’on peut apercevoir]. »

 

Le Roux de Lincy écrit que ce livre est la « traduction du livre apocryphe attribué à Darès le Phrygien et à Dictys de Crète, ou de celui de l’Italien Gui de Colonne ».

 

Selon L’Iliade, Darès le Phrygien est un prêtre troyen du dieu Héphaïstos. Élien (vers 175-vers 235), dans sa passionnante Histoire variée (XI, 2), évoque un Darès le Phrygien qui, en tant que contemporain des événements de la Guerre de Troie, en aurait fait le récit. Un texte, Histoire de la destruction de Troie, se présentant comme la traduction latine de ce récit, fut édité de nombreuses fois au Moyen Âge ; on l’attribuait à l’écrivain Cornélius Nepos (moins 100 av. J.-C. – moins 29 ou 25 av. J.-C.), l’ami de Catulle, mais on sait aujourd’hui que l’ouvrage ne peut pas avoir été composé avant le IVe siècle.

 

Dictys de Crète, lui, toujours selon Homère, était un compagnon d’Idoménée, roi de Crète, lors du siège de Troie. On lui attribuait un Journal, l’Éphéméride de la Guerre de Troie, qu’un auteur nommé Quintus Septimus aurait retrouvé et traduit en latin sous Néron. Les Papyri d’Oxyrhynque révélèrent l’existence d’un original grec, mais la traduction latine date du IVe siècle après J.-C.

(J'oubliais : Pétrarque possédait un exemplaire de ce livre !)

 

L’Iliade fut traduite en latin, et ce, au Ier siècle après J. C. Mais l’œuvre d’Homère est très lacunaire quant à l’histoire de la Guerre de Troie. Les deux ouvrages de Darès et Dictys restaient la source essentielle, au Moyen Âge, des événements historico-légendaires.

 

De Gui de Colonne (ou Guy des Colonnes), malgré mes recherches je ne sais rien sinon qu’il fut l’auteur, à une date inconnue de moi, d’une Histoire de Troie. Je me propose d’approfondir ce mystère, mais j’appelle ici mon Lecteur de passage s’il en sait davantage !

(Addendum)

 

 

« 12. Le Dit royal, en françois, rimé, en lettre de forme, historié, couvert de veloux noir ; et le dit livre est tout neuf. »

  

Le Roux de Lincy pense qu’il s’agit d’un poème perdu de Jean Froissart, le grand chroniqueur (vers 1337-vers 1404). En effet, il cite une quittance relative à cet ouvrage, datée du 7 juin 1393 (l’acquéreur est donc Louis d’Orléans, le père de Charles) :

 

« A tous ceux qui cez présentes lettrez verront ou orront [entendront], Maihieu garde lieutenant du bailli [représentant d’un seigneur] d’Abbeville salut, savoir faisons que par devant nous est aujourd’hui venus en sa personne sire Jehan Froissart prestre et c[h]anoine de Chimay, si comme il dist, et a recogneut avoir eu et receu de Monseigneur le duc d’Orliens, par les mains de Godefroy Lefevre varlet de chambre du dit seigneur et commis de par lui à la garde des deniers de ses coffres, la somme de vingt frans d’or, pour cause d’un livre appelé le Dit Royal que mon dit seigneur a acaté [acheté] et eu du dit prestre, de la quelle somme de xx frans d’or dessus dis, il s’est tenus pour content et bien paié ; et en quite le dit seigneur le dit Godefroy et tous autres (…) ».

 

 

(à suivre.)

 

 

 

 

lundi, 13 janvier 2014

Chenonceau, encore

à Madame Yvette Gauthier.


 

 

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Le château de Chenonceau (XVIe s.), vu des jardins de Diane de Poitiers,
en Indre-et-Loire, photographie : novembre 2013.

 

 

 

L'élégance française

 

 

 

 

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Le château de Chenonceau (XVIe s.), vu des jardins de Diane de Poitiers,
en Indre-et-Loire, photographie : novembre 2013.